mercredi 29 janvier 2014

Sourcils Noirs et phonolite

Cette fois ci je pars à Sourcils Noirs avec les glaciologues. Nous allons relever les données de la station météo qui s’y trouve et ainsi me former à la manip. Dépose au halage à 10h, nous avons 3h de marche pour atteindre le canon. La manip se passe bien, les données sont récupérées, on mange à la cabane. C’est un magnifique chalet de montagne pausé au fond du canon. L’accès est délicat, escarpé, le paysage grandiose.







Nous repartons l’après midi pour la cabane de phonolite plus proche du point de récupération du chaland en prévision du lendemain. Manque de pot, le grand soleil du matin a laissé place à des nuages et de la pluie. Mes chaussures ne tiennent plus l’eau, mon pantalon est imbibé et même ma goretex (pourtant mise à l’épreuve sur la CCC) atteint sa limite d’étanchéité. Après 4h de marche nous arrivons enfin à la cabane où nous nous séchons. Le lendemain, nous apprenons que le chaland n’a pu sortir à cause de la météo. En effet, un fort vent s’est levé du sud ouest et lève la houle dans le golfe, interdisant toute sortie. Nous en sommes donc quittes pour une journée supplémentaire à phonolite.




Après la récolte d’échantillons de morène des glacio, le temps se découvre un peu. Nous partons à l’assaut du sommet mythique : le Wyville qui culmine à 957m et surplombe tous les sommets alentours. L’ascension est facile mais autour de 700m, la neige commence à faire son apparition sur le sol gelé. Les roches sont recouvertes d’une pellicule de glace et des stalactites poussent à l’horizontale sous l’action du vent. Sur certains passages, il faut tailler des marches dans la croûte de neige pour pouvoir grimper. Finalement on arrive au sommet pour admirer la vue. La météo est avec nous et même si nous n’avons pas de grand soleil, la visibilité est correcte. On voit jusqu’au lac Marville et la dent Campbell tout au nord de la péninsule Courbet. La descente est un pur plaisir à courir dans les gravillons, à faire du ski sur les névés, du pur bonheur.







Le lendemain, l’attente se prolonge, le chaland ne peut toujours pas partir et la météo n’a pas l’air clémente pour les prochains jours (trop de vent). Et nous n’avons plus de thé. Nous repartons alors pour Sourcils Noir faire l’inventaire et un petit ravitaillement au passage. On fait un transit express de 2h30 là où on avait mis 4h sous la pluie. L’inventaire est fait dans la foulée de l’arrivée puis dodo.






Le lendemain grosse baston de vent mais un graaaand soleil. Dans le canon nous sommes à l’abri du vent et profitons du bain de soleil. Nous passons également voir la colonie d’albatros de sourcils noir qui est parait-il magnifique. La colonie se situe à flanc de falaise à 200 m en contrebas. Nous atteignons le sommet et nous penchons sur un promontoire rocheux pour observer cette magnifique colonie. Le site étant protégé, seuls les ornithos ont le droit de s’approcher et de travailler au cœur de la colonie. Le résultat est tout de même bluffant, le spectacle grandiose. Nous apercevons des albatros sourcils noir, des albatros fuligineux et des gorfous macaronis qui remontent incroyablement haut sur la falaise malgré leur petit gabarit.

A midi nous repartons vers phonolite dans l’espoir de reprendre le chaland le lendemain. Arrivé sur les plateaux des hurlevents, nous comprenons l’origine de son nom. Finalement nous étions bien protégés au fond du canon.  Nous luttons contre un vent de ¾ face de 40-45 nœuds avec des rafales à plus de 50  qui vous clouent au sol. Il en devient même difficile de respirer. Il nous faudra un peu moins de 4h pour rejoindre phonolite. Thé et sieste pour finir la journée.


Dimanche au petit matin nous partons pour le sommet de la tête d’homme qui est à 400m juste au dessus de la cabane. Le vent souffle toujours trop fort pour permettre une sortie chaland. Une fois en haut, nous apprécions le paysage mais redescendons vite à la cabane pour le petit dèj. Après l’expérience de la veille, nous ne sortons pas le reste de la journée et passons le temps à bouquiner, dormir et boire du thé.



Lundi matin, enfin un espoir, le vent s’est un peu calmé et à 11h, nous voyons le chaland se diriger vers le halage des naufragés, lieu de reprise.
Cette manip qui devait au départ durer 2jours et une nuit s’est transformée en 6 jours et 5 nuits. La nature se rappelle à nous de manière brutale, nous sommes aux Kerguelen et la plus grande prudence est de mise. La manip la plus simple et insignifiante peut devenir un vrai calvaire si on n’est pas paré au pire. Certes j’ai bien profité des jours de répits mais la situation n’est pas toujours évidente à gérer.
Me voilà de retour sur base pour quelques jours seulement. Au boulot pour remettre tout au propre afin de repartir en manip sur de bonnes bases.

Et merci à Vincent pour un grand nombre de photos sur lesquelles je suis.


Puy St Théodule et la caverne du diable




J7


Aujourd’hui c’est le départ de Mayès. Au revoir l’ile paradisiaque, au revoir et merci les zornithos, bonjours les aventures sur les grands plateaux, bonjour les québécois, au revoir l’abondance de vie, place au vide. Un transfert d’une heure sur le chaland où je retrouve mes nouveaux coéquipiers, j’en profite pour régler les problèmes de planning avec le bosco, et nous voilà débarqués à Armor, site historique d’élevage de saumon, maintenant désaffecté. 
Un sandwich et c’est parti. Le vent se lève mais le soleil nous accompagne. Nous longeons un premier lac, puis 2, puis 3… tous plus beaux les uns que les autres. Nous arrivons alors à l’anse des Ecueils par une descente vertigineuse entre les barres rocheuses. Une petite heure et de grosses bourrasques de vent plus tard nous sommes au pied du puy st Théodule et cherchons la caverne. La voilà, fermée à ¾ par un mur en pierre (avec des trous). C’est une caverne 3 ***, spartiate mais l’essentiel y est : une planche de bois pour dormir, un trou pour s’abriter, et un banc pour manger. Après un repas lyophilisé et de belles histoires de randonnée dans le Yukon comptées au coin de la frontale par les québécois et je me couche la tête pleine de rêves.




J8


Sale temps ! Le vent a forci dans la nuit, on a un bon 40-45 nœuds avec rafales aux alentours de 55-60 nœuds. On reste blotti dans le duvet un petit moment. Vers 11h on tente une sortie pour prospecter le long de la côte. La manip consiste à trouver des moules afin d’en prélever et d’analyser leurs globules blancs et leur état immunologique. On rentre bredouille mais on a une solution de secours, hier sur le chemin, nous avons croisé une moulière à l’anse aux écueils, nous ferons la manip sur le retour. On retourne à la grotte pour patienter un peu et espérer une accalmie. Finalement, rien ne sert d’attendre, nous rentrerons dès demain.




J9


Comme prévu, nous nous levons à 4h, le vent souffle toujours mais nous l’aurons dans le dos. Il manque à plusieurs reprises de nous faire trébucher. Après quelques minutes de marche, des nuages s’éloignent et laissent place à un soleil radieux et des paysages magnifiques. Nous profitons du transit et des panoramas qui s’offrent à nous. On se croirait dans un décor de jurassic park ou du seigneur des anneaux. Un mammouth surgirait au détour d’une barre rocheuse que je ne serais pas étonné. Finalement on arrive à Armor un peu avant 11h. L’après midi sera consacré à une petite baignade dans le lac. Le vent est terrible et je ne prends pas le temps d’apprécier l’eau à 5°C. Ensuite lecture tranquille sur un rocher au soleil histoire de se réchauffer. Je prends le temps d’apprécier la chance que j’ai d’être là assis sur mon caillou à contempler un paysage que peu de privilégiés ont pu voir.






J10


Aujourd’hui, grand beau temps, soleil et pas de vent. La manip est finie, nous sommes à Armor jusqu’à la ramasse chaland dans 2 jours. Du coup c’est rando pour découvrir le coin. C’est parti pour le volcan du diable qui domine le lac d’enfer du haut de ses 315m. Il offre un magnifique panorama sur la baie de Swain et le golf du Morbihan et toutes ses îles. On fait une petite pause casse croûte avec ce magnifique panorama, nous voyons même le chaland naviguer entre les îles. Retour tranquille à la cabane pour un après midi lecture.








J11


Les jours se suivent et ne se ressemblent décidément pas. Les nuages remplissent le ciel et le vent est fort. Nous partons tout de même pour le mirador et ses 300m d’altitude. Il se situe plus au nord et l’ambiance est plus froide. Les paysages traversés sont magnifiques, magiques même. Nous avons même vue sur les sommets enneigés du massif Gallieni. La soirée se passe tranquillement, demain nous rentrons et je vais devoir reprendre la main en un jour avant de repartir encore une fois.







Ces 2 manip ont été exceptionnelles, j’ai tant appris, tant découvert, tant vu de jolies choses que j’ai du mal à me rendre compte de la chance que j’ai eu de pouvoir faire ces 2 manips. La chance continue car mon programme ne s’arrête pas là… la suite pour le prochain article.

mercredi 22 janvier 2014

Mayès, l'île aux milles oiseaux




J1


Ce matin, départ 6h en chaland pour 6 jours de manip sur Mayès avec les ornitho Flo et Alex. Le chaland passe d’abord récupérer 4 manipeurs qui reviennent de Val Travers, coin de paradis éloigné de PAF où on trouve d’exquises sources d’eau chaude.

Nous partons donc, après seulement une demi-heure, nous apercevons une baleine au loin. Puis en arrivant au lieu de récupération, les dauphins de Commerson nous accompagnent et jouent 10 bonnes minutes dans les vagues du chaland. Il fait froid, il n’y a pas de vent, la mer est plate, le bonheur à l’état pur, je ne me lasserai jamais de ce spectacle même si ça devient commun.




A 10h nous sommes déposés, l’ile est magnifique : beaucoup de relief, beaucoup de végétation (absence de lapins et chats), et beaucoup d’oiseaux. Nous nous installons, mangeons puis partons faire le tour des Skuas et contrôler la taille des poussins. Les skuas se défendent en nous rasant la tête à pleine vitesse, il faut être vigilant pour ne pas être surpris et se prendre une claque sur le sommet du crâne. Nous baguons 2 poussins déjà bien avancés. Les skuas nichent au sol, dans les hautes herbes, les nids sont difficiles à repérer. Ils sont parfois difficiles d’accès et la progression dans cette végétation haute et dense est délicate (j’enfonce jusqu’à mi cuisse). A 17h, nous revenons vers la cabane pour la vac. Mon géner remplaçant gère du tonnerre, je ne vais peut être pas rentrer tout de suite, moi.








J2


Aujourd’hui nous contrôlons l’état de ponte des pétrels à tête blanche ou PTB. Ce sont cette fois-ci des oiseaux qui nichent dans des terriers. Il faut donc fouiller les terriers pour voir si un individu se cache dedans. On y va directement avec la main, on fouille méthodiquement le terrier jusqu’à ce qu’on sente un œuf ou qu’un piaf nous morde. Avec les gants ça ne fait pas mal mais au début ça surprend. Une fois l’oiseau détecté, il faut se laisser mordre pour ensuite le tirer hors du terrier par le bec et pouvoir lire sa bague (ou le baguer le cas échéant). Les PTB sont magnifiques, de taille moyenne, noir et blanc, ils ne sont pas trop agressifs et c’est un pur bonheur de les tenir contre soi pendant le baguage. Le tout se passe avec un paysage magnifique, même si la météo n’est pas des plus clémente. On finit la journée par la confection d’un pain aux figues destiné à accompagner le foie gras, le tout précédé par un apéro sur la terrasse.





J3


Il est 9h, je suis assis sur le banc devant la cabane. Pas de manip aujourd’hui, il est trop tôt dans la saison pour travailler sur les gorfous macaronis et gorfous sauteurs. Les jours planifiés pour cette manip sont finalement des jours de repos.  Nous partons donc pour faire le tour de l’ile mais pour me faire visiter les plus beaux coins. Sauvage, inattendue, magique, les mots me manquent pour décrire cette ile. Une sieste dans les hautes herbes, au soleil, à l’abri du vent… et on repart. L’ile présente une telle diversité d’oiseaux, de plantes, de paysages je n’en reviens pas. Pétrel Gris, pétrel Bleu, pétrel noir, pétrel à menton blanc, pétrel à tête blanche, cracou (pétrel géant), belcher, sterne, océanite, kionis, cormoran, goéland, papou, gorfou sauteur, albatros fuligineux, skua, prion, pétrel plongeur et j’en oublie surement.

On passe par la grotte de melchior qui surplombe une colonie de gorfous sauteurs, toujours aussi craquants. Nous repartons pour la presqu’ile où nous pouvons presque toucher Australia (un bras de mer de 50m de large nous sépare). Là encore des gorfous sauteurs et des kionis nous accueillent. Nous avons même la chance de voir quelques dauphins dans la baie. Le vent est tombé, l’eau est plate, seule l’ondée créée par les dauphins la brouille. On aperçoit même 2 jeunes dauphins dans le groupe. Le retour se fait tranquillement. Une dernière petite pause dans les hautes herbes pour faire la vac avec vue sur le Croziet enneigé (plut haut sommet des monts du château). Puis retour à la cabane pour un apéro suivi d’un rougaille saucisse.








J4


Cette nuit, il a bien plu. Au levé, il y a cette odeur qu’on retrouve à la sortie de la tente dans les Pyrénées. Ca me rappelle chez moi.

Aujourd’hui nous partons finir le tour des skuas commencé le premier jour. On enchaine bien : l’un tient le petit, l’autre mesure et bague, le 3ème prend les notes. J’apprends également de nombreuses choses sur la flore. Saviez vous que le lyallia est l’unique espèce endémique de Kerguelen ? Le chou lui se retrouve également sur Crozet. Ce soir c’est tartiflette et salade de pissenlit. Et cette fois ci, c’est moi qui fais le pain aux figues pour la 2ème tournée de foie gras. On ne se refuse rien.



J5


Aujourd’hui on accueille les 2 filles de la réserve naturelle qui travaillent sur les plantes. Elles doivent échantillonner 2 espèces : le chou de Kerguelen et le lyallia. Ca tombe bien, il y en a plein sur Mayès. Entre temps, nous faisons toutes les petites choses qu’on n’avait pas pu par manque de matériel : chopper un PTB qui était trop profond dans son terrier. On utilise alors le buroscope (à vos claviers !) pour voir à l’intérieur du nid, et ensuite on creuse avec le kit de creusage hyper sophistiqué : une cuillère et un couteau. Alex attrape un skua adulte non bagué pour l’assimiler au reste de l’étude.

On finit la journée par une vac dans les hautes herbes et au soleil puis pizza à la tartiflette. Qui a dit qu’on mangeait mal en cabane ?


J6


Dernier jour pour finir les manips, on avait gardé la manip sur les belchers qui devait être faite le plus tard possible. Ce sont des oiseaux un peu plus petits que les PTB qui nichent également dans des terriers. Mais cette fois, le nid est trop petit pour y aller avec des gants. Il faut donc y aller à main nues. Ils sont encore plus mignons, plus doux que les PTB. Les belchers à ce stade de l’année sont pour la plupart des poussins. On tombe donc parfois sur des poussins au duvet tout doux qui essayent de nous mordiller le doigt gentiment. Un vrai plaisir. Finalement on avance bien et on finit les 70 terriers dans la matinée. Les manips ornithos sont donc finies. On passera l’après midi à aider les filles et à tenter d’attraper des skuas non bagués à Skuatropez (plage donnant sur un lac où les skuas viennent se laver).

Retour à la cabane sous la pluie. Ce soir c’est foie gras, vin blanc, et moules au vin blanc.






J7


Voila c’est le départ, cette ile est magique. J’y ai vécu de très bons moments, j’y ai appris plein de choses. C’est le graal que je suis venu chercher à Ker. Etre dehors toute la journée, vivre simplement mais confortablement, avec des gens extraordinaires et côtoyer la faune de près, le rêve !