mardi 21 octobre 2014

Manip au bout du monde


 Délivrance

Après 1 mois et 3h d’attente à cause des déboires du chaland : culasse cassée, flexible hydraulique qui lâche, démarreur HS … Nous partons. Enfin ! Mais ne crions pas victoire trop tôt, j’y croirai lorsque je serai descendu et le chaland hors de vue. La dernière fois, nous avions fait demi-tour à mi –chemin…
2h30 et quelques dauphins plus tard, on y est, on s’équipe, on descend, un dernier coucou et nous voilà seuls. Cette fois, c’est la bonne. Nous partons pour une manip log sur des sites lointains. 5 jours de marche entrecoupés de manip sur 4 cabanes IPEV. Pour me guider, j’ai pris une carte avec des anciens tracés pour savoir où on peut passer les barres rocheuses, et les points GPS des cabanes. On commence par 4h de marche en direction de Gazelle. Un premier col sur les pentes duquel on croise nos premiers rennes de la manip. Une descente en luge pour s’amuser, puis une arrivée sous le soleil à la cabane avec un troupeau de rennes pas farouches tout autour. On entend les albatros fuligineux parader dans le ciel au dessus de nos têtes, quelques eleph sont regroupés en harem sur la plage à quelques mètres de la cabane. Le vent est tombé, la soirée est agréable, la nuit sera bonne. La magie opère.

 Retour aux sources

Après Gazelle, nous partons pour Port Couvreux. Je connais le chemin pour l’avoir déjà fait l’été dernier. Je ne tomberai pas dans les mêmes pièges. Nous croisons de nombreux rennes, à l’aise dans leur habitat naturel. Dès qu’ils nous détectent, ils restent en alerte et fuient si nous nous approchons à moins de 100 m d’eux. La marée basse nous évite un bon détour au fond de havre du beau temps et nous arrivons à la cabane, frais et admiratifs, sous ce beau soleil. L’après midi est vite passé entre sieste pour les uns et boulot et photos pour les autres. Il faut préparer tout ce qui repartira avec l’hélico à l’OP3 qui arrive dans un mois. Une dizaine de touques et la gazinière qui rend l’âme. On attache les touques à l’extérieur, prêtes à partir, pour ne pas avoir à se poser de questions lorsqu’on arrivera en coup de vent.
Vient ensuite le temps d’un bon petit repas, (Flammekueche) et d’une nuit réparatrice.

 Into the wild

Voilà maintenant la partie délicate de la manip. Nous partons dans l’inconnu (pour nous) loin de la base. Nous partons pour Val Travers.  La première moitié est avalée en un rien de temps, c’est le retour d’hier, jusqu’au halage du havre du beau temps. Ici se présentent 2 options : soit longer le lac du bon temps, quitte à être en dévers pendant 4h et se transformer en Dahu, au risque également de se retrouver face à une barre rocheuse infranchissable, soit passer par les hauteurs et prendre un itinéraire montagneux slalomant entre les différentes barres rocheuses et les éboulis permettant de passer. Nous décidons de passer par les hauts. S’ensuit une épopée formidable mais éreintante dans la neige et les rochers et c’est finalement après 8h de marche  et une dernière descente vertigineuse que nous arrivons face à la cabane avec une rivière entre nous 2. Qu’à cela ne tienne, on en a vu d’autres. On quitte tout, on chausse les crocs et c’est parti. L’eau monte au dessus du genou, c’est frais mais ça fait du bien aux pieds. Dans notre lancée, on fini jusqu’à la cabane sans renfiler le pantalon. En revanche, on a tous en tête qu’il faudra la franchir dans l’autre sens demain matin…
En attendant, un gros boulot nous attend : nettoyage, tri et inventaires … récompensé par un petit bain dans les sources d’eau chaude, spécialité locale. La nuit arrive vite, le sommeil aussi. Nous ne trainons pas, le lendemain promet d’être sportif également.

 A travers les vallées

Comme les jours précédents, lever 5h, départ 6h30, je mets mes manipeurs à rude épreuve. On commence la journée par retraverser la rivière. L’histoire n’est plus la même. Etre cueilli à froid change la donne et c’est en étant totalement insensibilisé en dessous du genou qu’on atteint l’autre rive. Heureusement, le vent n’est pas encore levé et on peut se sécher et se réchauffer rapidement. Maintenant il faut regrimper toute la descente d’hier. Environ 300 mètres de dénivelé, ça ne me fait pas peur (à part que la sortie sur le plateau peut être difficile) mais il n’en est pas de même pour mes manipeurs. Chaton n’est pas habitué à la montagne et David ne fait là que sa 2ème manip (la première étant le week end dernier…). Ils appréhendent donc le morceau, surtout que derrière, il y a une bonne distance à couvrir pour rejoindre la cabane de Bossière. Finalement la montée se passe bien, au passage cela réchauffe nos orteils et nous avançons vite sur la neige encore gelée, celle qui nous avait ralenti la veille.
Nous atteignons la première vallée à traverser. Notre chemin est barré par une grosse barre rocheuse qu’on cherche à descendre. Nous évoluons alors précautionneusement pour trouver le meilleur passage, entre éboulis, court passage de dé-escalade, et grande descende sur les fesses dans la neige. Arrivés en bas non sans quelques difficultés, le reste n’est qu’une bonne partie de plaisir. Le soleil étant présent et le vent, faible, ayant la bonne idée de souffler dans le dos cette fois ci, nous avançons rapidement vers notre objectif. Nous arrivons alors à Bossière après 7h de trajet pour découvrir un énième site à couper le souffle. Cascade, mer, falaise, plages, collines et montagnes, tout y est, et la cabane est relativement spacieuse. La sieste est méritée.

Retour à la civilisation

Vendredi 17, dernier jour pour cette manip. Nous avons rendez-vous à 10h à Armor, site qui se trouve à 3-4h de marche de Bossière. Le calcul est vite fait, il faut partir à 6h et donc se lever un peu avant 5h. Pour couronner le tout, il pleut. Pas de ces averses qui durent 15 min mais ce nuage qui stagne au dessus de nous et cette pluie sans discontinuer qui mouille un peu puis petit à petit qui transperce tout. C’est le cadeau de fin de manip, la montagne ne veut pas nous voir partir. Nous étions les seuls humains à passer par là au cours des 8 derniers mois, et il faudra attendre encore un bon mois avant que d’autres manipeurs y passent. C’était un moment privilégié que de faire cette manip. 5 jours de rando en montagne, voilà un beau cadeau que je me fais à travers mon travail.
La pluie mouille mais motive également. Après un peu moins de 3h de marche, nous apercevons les fillodes métalliques qui peuplent le site fantôme d’Armor. Le temps de nous sécher, de nous changer et de boire un thé, le chaland arrive, le soleil aussi. On retrouve avec plaisir l’équipe du chaland et les manipeurs qui partent sur Verte dont Greg mon remplaçant. On échange, on discute, quelles sont les dernières nouvelles ? Quelles modifications as-tu apporté au planning, quels problèmes as-tu rencontré sur tel ou tel point. Il part pour 7 jours, je le remplacerai pendant ce laps de temps.

Une fois les gars déposés sur Verte, je profite du soleil pour m’offrir une sieste sur le pont du chaland avant le retour à la vie civilisée.


Anse de Saint Malo










Bossière




Sur le chaland



Port Couvreux










Val Travers




mercredi 8 octobre 2014

Je vous ai apporté des bonbons

C’est la saison de reproduction des éléphants de mer, les plages en sont recouvertes. Les gros mâles, les pachas, se battent pour  avoir leur harem de femelles avec lesquelles ils se reproduiront. On assiste donc à des combats de titans entre 2 mastodontes de plus de 2 tonnes chacun. Les rots fusent, le sang coule. Les plages s’organisent donc en harems, environ 40 femelles pour un mâle. Les femelles vont d’abord accoucher d’un mignon petit bonbon avant de se reproduire. A la naissance, les bonbons ont un pelage très noir, tout doux, ils jappent comme des petits chiens et ne pèsent qu’une quarantaine de kilo.
A l’OP 2 nous avons accueilli 2 nouveaux scientifiques qui viennent étudier ces grosses bêtes. Ils suivent donc 120 bonbons de leur naissance jusqu’au sevrage 3 semaines plus tard. En 20 jours, les bonbons passent de 30-40 kg à plus de 100-120. Malheureusement, les oiseaux guettent et ne laissent pas de place aux plus faibles. Régulièrement, des petits bonbons trop faibles pour se défendre ou dont la mère est trop épuisée meurent et servent de repas aux cracous, skuas et goélands.

Ensuite, nos 2 scientifiques posent des balises sur les femelles avant qu’elles ne repartent en mer. La balise va ainsi enregistrer les données de plongées, de déplacements, de caractéristiques de l’eau pendant près d’un an et lorsque l’éleph reviendra à terre, nous la déséquiperons pour récupérer toutes ces données. De cette manière, une quantité monstrueuse de données océanographiques sont accumulées. Données qui nécessiteraient un investissement énorme  en moyens et en temps si on devait les avoir par une campagne océanographique classique.
Aujourd’hui, je dois ravitailler Morne et Ratmanoff et, en même temps, amener les matériels de ces popeleph. C’est comme ça que je me retrouve à sauter sur le dos d’une eleph pour récupérer sa balise. Là, au milieu d’un harem, de tous ces eleph et de leurs petits bonbons qui aboient gentiment. Les paysages sonores et visuels sont très touchants.

J’ai également la chance de voir un léopard de mer juste devant la cabane ainsi qu’une petite aurore australe au dessus des manchots. La météo est peut être un peu difficile mais les récompenses sont à la hauteur.