La log a encore frappé, et fort !
Hier nous étions près de l’arche des Kerguelen, tout au nord
de l’ile. Pendant la nuit nous avons contourné toute l’île par l’est pour se
protéger de la houle. Arrivés au petit matin tout au sud, nous longeons la côte
pour atteindre la péninsule de Rallier du Baty et faire une station dans l’anse
du gros ventre si la houle nous le permet. C’est l’heure de partir en mission.
Nous allons ravitailler les sites les plus isolés de l’île. Les scientifiques
que nous déposerons seront seuls et totalement autonomes pendant un mois. Une
retraite plus scientifique que spirituelle. Un groupe cassera du caillou, ce
sont les géologues, ils seront sur le site de portillon. Un autre bouffera de
la glace, ce sont les glaciologues, ils habiteront les sites de Glacier et
Mortadelle et travailleront sur le magnifique glacier Ampère. Enfin les Belges
seront dans la boue et feront des forages sur un lac proche de Baie Larose. Ces
sites sont tous plus jolis les uns que les autres, plus sauvages, plus isolés.
Je me lève au petit matin, il est 5 h, ça fait une heure que
je tourne en rond dans mon lit, le soleil est levé depuis un peu plus
longtemps. Je rejoins la passerelle et embrasse le spectacle magnifique : nous longeons la cote sud,
le mont Ross (plus haut sommet de l’île à plus de 1800 m) est dégagé et le
soleil lui envoie ses plus belles couleurs. Il m’hypnotisera pendant plus d’une
heure et demie. Vient l’heure de manger et de se préparer, la journée va être
longue. Nous aurons 4 missions hélico pour ravitailler 6 sites en matériels,
vivres et même cabanes. J’en ferai 3 sur les 4 : merci à Yann de me faire
confiance et de me permettre de faire ces missions.
Nous commençons par Portillon depuis l’anse du gros ventre.
Nous arrivons sur une inconnue, est ce que la cabane est toujours là ?
Pour pallier cet imprévu, nous amenons un cabanon « pièce de vie » et
une caisse maison qui permet de dormir en sécurité. Décathlon a inventé la
tente 2s, l’IPEV a inventé la cabane 30min. La mission va durer 2 h, intense, il
faut préparer le terrain pour accueillir les 2 cabanes supplémentaires, mettre
en place un radier solide, poser la cabane grâce à la prouesse du pilote de
l’hélico puis haubaner le tout pour ne pas que ça bouge. Petite anecdote, un
des géologues était déjà venu il y a 4 ans sur ce site et il repère un caillou
en équilibre sur la pente qui surplombe la cabane qui n’était pas là la
dernière fois ce petit caillou doit faire environ 1 tonne… La mission se déroule
bien, nous laissons les scientifiques avec une petite base plutôt sympathique.
A dans un mois les gars.
La deuxième mission sera à Mortadelle/Glacier à partir de la
Baie de la Table, magnifique fjord encaissé dans les montagnes. Nous déposons
d’abord Hubert et Romu à Glacier au pied d’un petit lac, le paysage est
magnifique, le pilote s’éclate, nous aussi. Yann et moi sommes déposés à
Mortadelle. Nous aurons le temps de visiter un peu les 2 arbecs le temps que le
pilote revienne avec les slings. Peu de gens encore une fois pourront se vanter
d’avoir vu le glacier d’aussi près. Je l’ai même survolé. Et encore une fois
Yann me laisse la place de copilote pour le retour, merci Yann.
A chaque fois que je reviens avec mes collègues sur le
bateau, nous avons le sourire jusqu’aux oreilles, les yeux qui pétillent et
qu’une envie : y retourner. En quelques secondes, les vidéos et photos
sont sur les ordinateurs et une petite troupe se forme pour voir et admirer les
paysages qu’on a pu voir.
Troisième mission très rapide vers La Mouche, cette fois ci
je n’en suis pas, il faut bien faire tourner les places dans l’hélico, j’ai eu
plus que ma part. D’après les photos, la cabane est mignonne au bord d’un petit
lac sur une herbe rase. C’était rapide, nous repartons de la baie de la Table
pour atteindre la Baie Larose.
Quatrième et dernier refuge de la journée : Larose à
partir de baie Larose. Nous ne savons pas comment nous allons retrouver la
cabane et nous n’avons rien pour remplacer. Le cas échéant, il faudra réparer
sur place pendant les rotations de l’hélico. Une équipe (Romu, bout de bois,
pierre, moi et un scientifique) sont déposés à la cabane, une autre (Yann et 2
scientifiques) au lac de la plaine de Dante, lieu d’étude de nos scientifiques.
Arrivés sur la cabane, bonne surprise : elle est debout, plutôt en bon
état. Seul hic : la porte est trouée et ferme par un système de corde. Le
chantier commence, il faut réparer cette porte le plus vite possible, l’hélico
n’attendra pas. Pendant les 3 rotations suivantes, ou Pierre et moi nous
occupons de réceptionner le matériel, Romu et Bout de bois referont une porte
un peu plus acceptable avec un verrou digne de ce nom. A l’instant même où
l’hélico se pose pour ramener l’équipe de Yann, Bout de bois pose son marteau,
la porte est prête. Nous sautons dans l’hélico avec le matériel sur les genoux.
Les adieux seront pour une autre fois.
Ces 4 missions se sont parfaitement déroulées, la journée
est un succès. Direction le canon des sourcils noir pour demain matin. Je ne
serai pas de la partie.
Le lendemain, nous sommes devant le canon, il y a peu de
houle ce qui fait que nous pouvons nous approcher de la côte sans danger. Nous
ne sommes plus qu’à un petit kilomètre. Nous ne voyons toujours pas la côte…
Nous attendrons quasiment 2 h que le brouillard se dissipe et que le pilote
donne le feu vert. Nous ne ferons qu’une dépose sommaire, amputant le programme
prévu de trois quart. L’hélico décolle et file vers le canon. Moins de 30s plus
tard nous le voyons déjà revenir, que s’est-il passé ? Le pilote nous
informe à la radio qu’il y a trop de vent. En en rediscutant avec mes collègues
une fois descendus de l’hélico, ils me disent que c’était même plus que ça : de violentes bourrasques de vent déportaient l’hélico vers les parois
du canon pourtant déjà très proches. Cela me remet vite à ma place, hier tout
s’est déroulé sans problèmes, mais le moindre souci se transforme vite en
crise. Bref, la mission est annulée
maintenant place à l’OP sur PAF ! Débarquement imminent.