dimanche 31 août 2014

Tour Courbet log

Aujourd’hui,
je pars pour une manip de 12 jours pour la logistique et réparations de cabanes. C’est donc moi qui ai organisé le programme, préparé le matériel sachant qu’on aura à le porter pendant 12 jours sur le dos, le parcours … Pour ce petit périple, je suis accompagné des 2 ornitho, on finira la manip par 4 jours à Ratmanoff pour faire leur manip : suivi des poussins de manchot royaux mais n’allons pas trop vite et commençons par le commencement.
Nous partons aujourd’hui pour Studer, avec au programme tri dans les vivres : jeter les conserves rouillées et/ou périmées de plus de 3 ans, jeter tout ce que personne ne mange pour faire de la place pour le ravitaillement d’OP3 (Novembre)… et bien sûr remettre à jour l’inventaire. La manip en elle-même ne prend pas beaucoup de temps, du coup nous profitons du relatif beau temps et marchons tranquillement. C’est la première fois pour les ornithos dans ce coin-là. Ils découvrent avec plaisir le paysage montagneux de Studer, première fois depuis le début de l’hiver, le reste de la péninsule Courbet étant relativement plat. Arrivé à Studer, on pause les sacs et on continue sur les montagnes vertes pour profiter de la vue et faire la vac (on ne capte pas à la cabane).

Au deuxième jour,
le vent souffle du sud, 30 à 40 nœuds, 50 en rafales. Heureusement le val Studer est orienté Est-Ouest, nous sommes donc protégés à la cabane. Ne voyant pas de vent, nous commençons à monter vers le sommet du Crozet. Arrivés sur le plateau, le vent et la neige nous prennent en pleine face et au bout de 15 min à ce régime là (-15 en ressenti, visibilité à 50m, plaques de glaces et tempête de neige), on fait demi-tour pour retrouver l’abri sécurisant de la vallée.
Au passage, on admire les belles cascades prises dans la glace. La neige forme un cratère où l’eau atterri et passe sous la croûte de glace, tout est gelé, l’effet est plutôt sympa. Par endroit, nous avançons avec de la neige au dessus du genou. Les derniers jours ont été plutôt froids et neigeux. Finalement nous longerons le fond du val et tomberons sur 5 rennes qui s’enfuient en courant à notre approche.

En ce troisième jour,
nous devons rallier la cabane de Rivière du nord pour y faire un état des lieux complet. Les derniers à y être passés m’ont montré des photos de trou d’1m au pied des murs de bois. Il faut donc que je me rende compte par moi-même de l’ampleur des travaux à envisager et prévoir ensuite avec mes responsables la dépose du matériel en hélicoptère à la prochaine OP.
Ce transit sera probablement le plus difficile que j’aurai fait à Kerguelen. Nous commençons sous une faible neige et un fort vent de travers qui nous déporte à chaque rafale. Je dois parfois mettre le genou à terre pour ne pas glisser sur les plaques de glace. Au bout de 2h, la pluie commence à arriver… et à s’installer. Généralement, lorsqu’il pleut ou qu’il neige, ce sont des grosses averses mais cela ne dure que quelques minutes à maximum 1h. Aujourd’hui, spécialement pour nous, cela durera toute la journée sans discontinuer. Les vestes, pantalons et gants bien que de très bonne qualité sont détrempés en 2h, lorsque je serre ma main sur mon bâton, je sens mes gants en laine s’égoutter dans mon sur gant gore tex. Elie sent l’eau lui ruisseler le long des jambes pour aller dans les bottes et Flo n’échappe pas à la règle. Pour corser la chose, la visibilité diminue, nous devons donc tout faire au GPS et non plus à vue. Nous traversons 2 rivières, la première entièrement gelée, la deuxième plutôt bien fournie. Et au bout de 5h30 à ce régime là, nous débouchons en hauteur sur la baie des cascades et apercevons la cabane sur la plage. Entre elle et nous se trouvent 5 rennes qui ne nous ont pas encore aperçus et qui s’enfuiront en passant à moins de 10 m de nous. Un autre cadeau nous attend à la cabane : les trous plus importants qu’on ne le pensait ont permis au vent de s’engouffrer dans le module, d’arracher la porte et de déplacer le module de 10cm. Heureusement il est bien haubané et ne bougera pas plus que ça. Tout ce qui se trouve dans ce module est sens dessus-dessous et détrempé. C’est pour cette raison qu’on met toujours 2 modules pour faire une cabane. Et dans ce cas précis, c’est le module cuisine qui est HS, le module chambre, lui, tient encore debout. Nous nous y réfugions donc avec soulagement. Viens alors l’heure de jouer à tétris. Imaginez un cube de 2m par 2 m par 2m, mettez-y 3 mecs trempés, avec leurs sac, trempés, plus 8 touques avec la bouffe, le réchaud  et ce genre de matériel. Nous nous changeons donc à tour de rôle nous séchons et grimpons dans nos duvets pour laisser la place au suivant. Il est 13h, nous mangeons et passons l’après midi dans les duvets à écouter la pluie tomber et le roman radiophonique que Florian a eu l’excellente idée d’amener.

Le lendemain,
nous faisons le point sur l’état de la cabane. La cuisine est HS, nous la rapiéçons et barricadons pour qu’elle ne s’envole pas plus que ça. On la condamne, elle est inutilisable. La chambre quand a elle peut tenir encore 2 ou 3 ans mais on prévoira des travaux avant qu’il ne soit trop tard. Nous renfilons alors nos affaires encore trempées pour repartir vers la cabane de cataractes. Le temps est globalement beau, mis à part quelques grains assez violents qui passent en moins de 10 minutes.
On en profite aussi pour visiter, et aller prendre les points GPS des nids de grands albatros. Cela nous rallonge un peu, et nous fait faire quelques kilomètres de plus. Mais c’est autant de temps de gagné pour le prochain tour courbet des ornithos qui auront à compter les albatros, les manchots papou et les éléphants de mers. Cataractes puis Cotter où nous ferons un jour de pause (et en profiter pour faire le mont campbell : 150m d’altitude, un caillou au milieu d’une plaine). La côte s’est vidée de tous ce gorfou macaronies que j’avais pu voir en avril. Cela créé un grand vide, mais c’est le cas chaque année, les macas passent les 6 mois de l’hiver en mer. Ensuite Cap noir, où je ferai une réparation sur la paroi de la chambre : lors de la précédente manip, Antoine s’est fait arraché la porte des mains pas les 80 nœuds de vent et le verrou a troué la paroi du préfabriqué. Et enfin direction Ratmanoff où nous retrouverons les ecobiottes, popchat et Greg venus aider les manips ornitho et faire la manip ecobio de prélèvement d’insectes.

Sur ce dernier transit,
nous essayons de repérer les albatros en blanc sur un fond de neige… la tâche s’avère plutôt difficile. Arrivé au déversoir de Marville, Surprise, c’est marée haute. Nous pensions avoir bien calculé pour arriver à marée basse et pouvoir traverser sans déchausser. J’appelle alors le BCR pour avoir confirmation. Et en effet, nous ne nous étions pas trompés, la marée basse est dans un quart d’heure et nous nous trouvons devant le déversoir au meilleur moment de la journée pour le traverser. Il doit y avoir presque 1 m de fond et surtout un fort courant et un gros débit. Il fait certes beau mais la température est négative et le vent ne nous épargne pas. C’est dans ces conditions qu’on enlève chaussures, chaussettes, pantalon et collant pour rentrer en crocs dans la rivière et traverser les 10m qui nous séparent de l’autre rive. Entre les vagues qui éclatent derrière nous et le courant de la rivière qui tente de nous emporter, nous avons de l’eau à mi cuisse et elle est proche de 0°C elle aussi. Nous ne trainons pas pour nous sécher, nous rhabiller et repartir pour nous réchauffer un peu.

Enfin, en arrivant en vue de la cabane de guetteur, nous nous accordons pour leur dire qu’on a vu 2 léopards et les faire enrager, eux qui n’en ont encore jamais vu, lorsque par miracle, un premier puis un deuxième léopard apparaissent entre la plage et la colonie de manchot. C’est le cadeau qui ponctue parfaitement notre tour courbet. Nous avons fait jusque là 160km en quelques 40 heures de marche et 8 jours. Maintenant place à la manip ornitho. Suite au prochain épisode.

Cadavre de grand albatros adulte

Cascades de glace 

Colo de maca vide

Elie devant le val Studer

Elie et cascade

Elie et le val Studer

Flo et son éléph

Gaspard le léopard


Moi

Mont Campbell

Rive du Nord
 






Sur la route de Jacky

Val Studer




Léo le léopard



jeudi 7 août 2014

Le festival du film antarctique Bis


Ca y est, l’épreuve du 48h est passée, notre film est en ligne. Celui des concurrents probablement aussi. Cette année, nous devions faire apparaitre dans le film les 5 contraintes suivantes :
  •          Wall Footrop : personnage de dessin animé célèbre en Nouvelle Zélande.
  •         Un bruit de cochon
  •          Une balançoire
  •          Un maillot de bain
  •          La phrase « it will be dark soon, they mostly come at night, mostly ! » tirée du film de la série Alien de 1986. 


Et voilà le résultat :

Bon visionnage !

dimanche 3 août 2014

Tour Canard

 Sans canards mais avec des Rennes et des léopards

Vous vous demandez ce que ça peut bien vouloir dire que ce titre accrocheur. Non je ne suis pas parti des Kerguelen pour aller me perdre dans la savane africaine à la poursuite de léopards ou dans les steppes lapones à la recherche de rennes. Non, je suis bel et bien à Kerguelen et j’ai fait une manip.
Mais pas n’importe quelle manip. LA manip canard ! Chaque année c’est LA manip qui casse ses manipeurs. En 15 jours, l’ornithologue de la réserve naturelle doit effectuer un comptage complet du nombre de canards sur le tour courbet lors de la période de reproduction. En 15 jours, il effectue près de 400km et comptabilise jusqu’à 4000 canards. Il découpe le parcours en 2 parties et j’ai participé à la 2ème. Et sur cette manip, nous avons à la fois eu de la chance et pas de chance. A part les 2 premiers jours, la météo était la pire qu’on pouvait espérer, annihilant toute chance de voir des canards. En revanche, nous avons pu observer des rennes et un léopard des mers, chose exceptionnelle car ils ne viennent sur nos plages que très rarement, plutôt en hiver et généralement pour se reposer car malades ou mal en point.

 Les léopards des mers

sont des mammifères marins de la famille des phoques. Ils ont à peu près la taille des éléphants de mer mais avec une tête plus allongée faisant penser à un serpent, des dents acérées faisant penser à un crocodile, 3 à 4 mètres de long et environ 500kg pour la femelle, les mâles sont un peu plus petits. Ils vivent tout autour du continent antarctique, ne remontant que très rarement à nos latitudes. Bref, ce sont de redoutables prédateurs marins. Etablissons tout de suite un barème : les léopards sont plus rares que les rennes qui eux même, sont plus difficiles à observer que les canards. Disons donc, un renne vaut 10 canards et un léopard 100.

 Nous sommes donc partis

le lundi 21 juillet pour rallier Cataractes. Le comptage sur ce transit ayant déjà été effectué sur la première partie, nous n’avions pas à nous soucier des canards pour le moment. Au détour d’une bosse, Matthieu qui était un peu en avant de Yves et moi, se retourne et me fait signe d’avancer sans bruit, ce que je fais sur quelques mètres pour ensuite voir 4 rennes à seulement une vingtaine de mètres de nous. Ils nous repèrent rapidement et s’éloignent. Finalement nous arrivons à cataractes, rennes 4, canards 0.
Le lendemain, arrive le transect de la mort : un transit inédit Cataractes-Ratmanoff, qui coupe en plein travers de la péninsule Courbet. Qu’est ce qui nous attend là-dedans ? des lacs ? des rivières ? des souilles ? tout ça à la fois ? C’est 30kms d’inconnu. Finalement, il y aura des lacs à contourner, des rivières à traverser, des souilles à éviter mais rien de bien anormal. En revanche, le terrain était difficile : on marchait tantôt sur des cailloux, tantôt sur des rochers, tantôt sur des boules d’Azorelles. Rappelez vous lorsque vous sautiez de rocher en rocher sur les digues étant petit… eh bien nous avons fait ça pendant 8h… Huuum un délice. Sur ce transect, nous avons compté 12 canards et 8 rennes. Arrivés à Ratmanoff, nous en sommes donc à 12 rennes et 12 canards. Le lendemain est annoncée une belle météo : 40 nœuds de vent en pleine face, rafales à 50, averses de neige et grésil et -4°C au thermomètre.  Nous devons rallier Morne en passant par l’intérieur des terres et le mont Bungay. Donc, en plus de la météo, nous devrons esquiver les lacs et souilles à moitié gelés dont une aura Yves, un peu trop téméraire lors d’une traversée de rivière. Résultat, 9 canards. Le lendemain, re-belotte, même météo, le vent a tourné de façon à ce qu’on ait encore le vent de face sur le transit inverse Morne – Ratmanoff en passant par la côte. Là encore, une souille prendra Yves par surprise qui en aura au dessus de la taille et qui y laissera la moitié d’un bâton… Ca ne pardonne pas de se faire avoir par une souille.  Résultat: 7 canards. Il nous reste 2 journées pour terminer, un transit sans comptage vers Morne puis un transect Morne-PAF. Evidemment, le vent a re-tourné et on l’a encore de face, moins fort certes, mais suffisamment pour être obligé de mettre des lunettes. La première journée est belle, et c’est là, sur la plage, à 45 minutes de Ratmanoff, qu’on voit notre petit léopard des mers. On prend quelques photos et on continue. Et enfin, le dernier jour, on part pour notre dernier comptage. A ce jour nous en sommes à 33 canards, 12 rennes et 1 léopard, pour 116km : les rennes gagnent ! En partant, la météo est un peu plus favorable pour les canards et nous voyons un groupe de 300 d’un coup. Les canards repassent en tête et y resteront jusqu’à la fin de cette manip. Une dernière surprise nous attend à la traversée de la rivière château. Il y a beaucoup d’eau nous empêchant de passer à l’estuaire; nous remontons alors la rivière pour passer au gué habituel où l’eau nous arrive à la cheville en tout temps. Malheureusement, avec les fortes pluies des derniers jours et le redoux soudain du jour (6°C ce jour là), au gué, nous avons de l’eau à mi-cuisse et le courant est fort. Tant pis, nous finirons les 45 dernières minutes mouillés : on fonce !

 Là ne s’arrête pas l’aventure,

le planning étant serré, je dois repartir le lendemain en tracteur pour ravitailler Morne et Ratmanoff. J’ai donc l’après midi pour tout préparer, charger et arrimer. En oubliant le moins de choses possible.
Nous partons donc le dimanche 27 au levé du jour à 7h. Après 7h de tracteur et une petite pause à Morne, nous arrivons sur la plage de Ratmanoff. Et là, miracle, un autre léopard nous attend sagement sur la page. Il est différent du premier mais aussi calme ou fatigué et se laisse donc photographier sans problème. La manip se passe, un jour sur place et nous rentrons le mardi. Départ 8h, et après 4h, sur la plage devant Morne un 3ème léopard très mal en point nous attend. Au final, j’aurai vu 3 léopards en une semaine et avec les autres manipes dans le secteur, nous aurons eu 6 observations de léopards différentes, sur au minimum 4 individus. Les léopards gagnent !

léopard 1

léopard 1

léopard 2

léopard 2

léopard 3

léopard 3

Mathieu à la traversée facile de Rivière de l'Est

moi dans la tempête

otarie mâle

tapis d'acaena et le lac devant les monts du Château

tapis d'azorelles devant les monts du Château

Yves à la traversée facile de rivière de l'Est

Voilà, là s’arrête mon récit du jour où j’ai vu les léo !

Vous pouvez éteindre votre ordinateur et reprendre une activité normale.

vendredi 1 août 2014

Le Festival du film Antarctique


Chaque année,

les bases de Mc Murdo et Scott organisent un festival inter-bases antarctiques qu’ils ont étendu il y a quelques années aux bases subantarctiques. Pour ce festival de films, ils proposent 2 catégories : l’open et le 48h. Dans les 2 cas, les films sont des courts métrages (5 minutes maximum) et doivent être filmés et réalisés sur les bases. L’open est un film libre où chacun peut donner libre cours à son imagination et son talent. Le 48h est un exercice délicat, où, à un moment donné, l’organisation donne 5 contraintes : un accessoire, un objet, un bruit, une phrase et un personnage qu’il nous faudra intégrer dans le court métrage. Nous avons alors 48h pour réaliser un film, bouclé, monté et prêt à être diffusé.

L’année dernière,

Kerguelen avait fait fort. Sous la main de geophy production, ils avaient proposé un film d’une très grande qualité dans la catégorie open qui a remporté la palme. Dans la catégorie 48h, ils n’avaient pas démérité non plus en terminant 2ème. C’est donc un challenge que nous devons relever cette année pour poursuivre l’excellence de la cinématographie kerguelenienne.
Vous pouvez constater la qualité du film de la mission Ker 63 qui a remporté la palme du libre en vous rendant sur ce lien :

Nous avons donc décidé de relever le défi

et sous la direction de notre bien aimé magne-sismo, (vous saurez de qui il s’agit si vous avez bien suivi mon blog… bon, d’accord, je donne la réponse, c’est Greg (son blog : http://www.pixophil.fr/ker ) ) Nous avons produit le film libre Magic Cube que vous pouvez visionner ici et qui, je l’espère, vous plaira.
Notre génialissime réalisateur a également proposé un 2ème film plus conventionnel, Road to Kerguelen - Timelapse que vous pouvez voir  ici
Quant au film de la catégorie 48h, il faudra patienter quelques jours car le concours commence Vendredi 1er juillet 20h heure locale pour finir le Dimanche 3 juillet à 20h. Le temps de le charger sur une URL et vous pourrez le consulter.



Bon visionnage !