Aujourd’hui,
je pars pour une manip de 12
jours pour la logistique et réparations de cabanes. C’est donc moi qui ai
organisé le programme, préparé le matériel sachant qu’on aura à le porter
pendant 12 jours sur le dos, le parcours … Pour ce petit périple, je suis
accompagné des 2 ornitho, on finira la manip par 4 jours à Ratmanoff pour faire
leur manip : suivi des poussins de manchot royaux mais n’allons pas trop
vite et commençons par le commencement.
Nous partons aujourd’hui pour
Studer, avec au programme tri dans les vivres : jeter les conserves
rouillées et/ou périmées de plus de 3 ans, jeter tout ce que personne ne mange
pour faire de la place pour le ravitaillement d’OP3 (Novembre)… et bien sûr
remettre à jour l’inventaire. La manip en elle-même ne prend pas beaucoup de
temps, du coup nous profitons du relatif beau temps et marchons tranquillement.
C’est la première fois pour les ornithos dans ce coin-là. Ils découvrent avec
plaisir le paysage montagneux de Studer, première fois depuis le début de
l’hiver, le reste de la péninsule Courbet étant relativement plat. Arrivé à
Studer, on pause les sacs et on continue sur les montagnes vertes pour profiter
de la vue et faire la vac (on ne capte pas à la cabane).
Au deuxième jour,
le vent souffle du sud, 30 à 40
nœuds, 50 en rafales. Heureusement le val Studer est orienté Est-Ouest, nous
sommes donc protégés à la cabane. Ne voyant pas de vent, nous commençons à
monter vers le sommet du Crozet. Arrivés sur le plateau, le vent et la neige
nous prennent en pleine face et au bout de 15 min à ce régime là (-15 en
ressenti, visibilité à 50m, plaques de glaces et tempête de neige), on fait
demi-tour pour retrouver l’abri sécurisant de la vallée.
Au passage, on admire les belles
cascades prises dans la glace. La neige forme un cratère où l’eau atterri et
passe sous la croûte de glace, tout est gelé, l’effet est plutôt sympa. Par
endroit, nous avançons avec de la neige au dessus du genou. Les derniers jours
ont été plutôt froids et neigeux. Finalement nous longerons le fond du val et
tomberons sur 5 rennes qui s’enfuient en courant à notre approche.
En ce troisième
jour,
nous devons rallier la cabane de
Rivière du nord pour y faire un état des lieux complet. Les derniers à y être
passés m’ont montré des photos de trou d’1m au pied des murs de bois. Il faut
donc que je me rende compte par moi-même de l’ampleur des travaux à envisager
et prévoir ensuite avec mes responsables la dépose du matériel en hélicoptère à
la prochaine OP.
Ce transit sera probablement le
plus difficile que j’aurai fait à Kerguelen. Nous commençons sous une faible
neige et un fort vent de travers qui nous déporte à chaque rafale. Je dois
parfois mettre le genou à terre pour ne pas glisser sur les plaques de glace.
Au bout de 2h, la pluie commence à arriver… et à s’installer. Généralement,
lorsqu’il pleut ou qu’il neige, ce sont des grosses averses mais cela ne dure
que quelques minutes à maximum 1h. Aujourd’hui, spécialement pour nous, cela
durera toute la journée sans discontinuer. Les vestes, pantalons et gants bien
que de très bonne qualité sont détrempés en 2h, lorsque je serre ma main sur
mon bâton, je sens mes gants en laine s’égoutter dans mon sur gant gore tex.
Elie sent l’eau lui ruisseler le long des jambes pour aller dans les bottes et
Flo n’échappe pas à la règle. Pour corser la chose, la visibilité diminue, nous
devons donc tout faire au GPS et non plus à vue. Nous traversons 2 rivières, la
première entièrement gelée, la deuxième plutôt bien fournie. Et au bout de 5h30
à ce régime là, nous débouchons en hauteur sur la baie des cascades et
apercevons la cabane sur la plage. Entre elle et nous se trouvent 5 rennes qui
ne nous ont pas encore aperçus et qui s’enfuiront en passant à moins de 10 m de
nous. Un autre cadeau nous attend à la cabane : les trous plus importants
qu’on ne le pensait ont permis au vent de s’engouffrer dans le module,
d’arracher la porte et de déplacer le module de 10cm. Heureusement il est bien haubané
et ne bougera pas plus que ça. Tout ce qui se trouve dans ce module est sens
dessus-dessous et détrempé. C’est pour cette raison qu’on met toujours 2
modules pour faire une cabane. Et dans ce cas précis, c’est le module cuisine
qui est HS, le module chambre, lui, tient encore debout. Nous nous y réfugions
donc avec soulagement. Viens alors l’heure de jouer à tétris. Imaginez un cube
de 2m par 2 m par 2m, mettez-y 3 mecs trempés, avec leurs sac, trempés, plus 8
touques avec la bouffe, le réchaud et ce
genre de matériel. Nous nous changeons donc à tour de rôle nous séchons et
grimpons dans nos duvets pour laisser la place au suivant. Il est 13h, nous
mangeons et passons l’après midi dans les duvets à écouter la pluie tomber et
le roman radiophonique que Florian a eu l’excellente idée d’amener.
Le lendemain,
nous faisons le point sur l’état
de la cabane. La cuisine est HS, nous la rapiéçons et barricadons pour qu’elle
ne s’envole pas plus que ça. On la condamne, elle est inutilisable. La chambre
quand a elle peut tenir encore 2 ou 3 ans mais on prévoira des travaux avant
qu’il ne soit trop tard. Nous renfilons alors nos affaires encore trempées pour
repartir vers la cabane de cataractes. Le temps est globalement beau, mis à
part quelques grains assez violents qui passent en moins de 10 minutes.
On en profite aussi pour visiter,
et aller prendre les points GPS des nids de grands albatros. Cela nous rallonge
un peu, et nous fait faire quelques kilomètres de plus. Mais c’est autant de
temps de gagné pour le prochain tour courbet des ornithos qui auront à compter
les albatros, les manchots papou et les éléphants de mers. Cataractes puis
Cotter où nous ferons un jour de pause (et en profiter pour faire le mont
campbell : 150m d’altitude, un caillou au milieu d’une plaine). La côte
s’est vidée de tous ce gorfou macaronies que j’avais pu voir en avril. Cela
créé un grand vide, mais c’est le cas chaque année, les macas passent les 6
mois de l’hiver en mer. Ensuite Cap noir, où je ferai une réparation sur la
paroi de la chambre : lors de la précédente manip, Antoine s’est fait
arraché la porte des mains pas les 80 nœuds de vent et le verrou a troué la
paroi du préfabriqué. Et enfin direction Ratmanoff où nous retrouverons les
ecobiottes, popchat et Greg venus aider les manips ornitho et faire la manip
ecobio de prélèvement d’insectes.
Sur ce dernier
transit,
nous essayons de repérer les
albatros en blanc sur un fond de neige… la tâche s’avère plutôt difficile.
Arrivé au déversoir de Marville, Surprise, c’est marée haute. Nous pensions
avoir bien calculé pour arriver à marée basse et pouvoir traverser sans
déchausser. J’appelle alors le BCR pour avoir confirmation. Et en effet, nous
ne nous étions pas trompés, la marée basse est dans un quart d’heure et nous
nous trouvons devant le déversoir au meilleur moment de la journée pour le
traverser. Il doit y avoir presque 1 m de fond et surtout un fort courant et un
gros débit. Il fait certes beau mais la température est négative et le vent ne
nous épargne pas. C’est dans ces conditions qu’on enlève chaussures,
chaussettes, pantalon et collant pour rentrer en crocs dans la rivière et
traverser les 10m qui nous séparent de l’autre rive. Entre les vagues qui
éclatent derrière nous et le courant de la rivière qui tente de nous emporter,
nous avons de l’eau à mi cuisse et elle est proche de 0°C elle aussi. Nous ne
trainons pas pour nous sécher, nous rhabiller et repartir pour nous réchauffer
un peu.
Enfin, en arrivant en vue de la
cabane de guetteur, nous nous accordons pour leur dire qu’on a vu 2 léopards et
les faire enrager, eux qui n’en ont encore jamais vu, lorsque par miracle, un
premier puis un deuxième léopard apparaissent entre la plage et la colonie de
manchot. C’est le cadeau qui ponctue parfaitement notre tour courbet. Nous
avons fait jusque là 160km en quelques 40 heures de marche et 8 jours.
Maintenant place à la manip ornitho. Suite au prochain épisode.
Cadavre de grand albatros adulte
Cascades de glace
Colo de maca vide
Elie devant le val Studer
Elie et cascade
Elie et le val Studer
Flo et son éléph
Gaspard le léopard
Moi